Prescription médicale d’héroïne : vers une autre bataille juridique

Après le recours devant les tribunaux intenté par le site d’injection supervisée InSite et la décision favorable de la Cour suprême du Canada à son égard en 2011, c’est au tour de la Pivot Legal Society d’obtenir une injonction pour permettre à des médecins de la Colombie-Britannique de continuer à administrer de la diacétylmorphine (héroïne thérapeutique injectable) à des participants des projets NAOMI (North American Opiate Medication Initiative) et SALOME (Study to Assess Longer-Term Opioid Medication Effectiveness).

Cela fait de Vancouver la première ville en Amérique à Nord à dispenser de la diacétylmorphine en dehors d’essais cliniques aux  personnes aux prises avec une grave dépendance à l'héroïne et pour lesquelles le traitement conventionnel à la méthadone a échoué.

Dans une entrevue radiophonique accordée le 26 novembre à CBC-Radio, Adrienne Smith, avocate en droit et politiques de la santé à la Pivot Legal Society, déclare que cette démarche juridique fait suite à  la décision de la ministre fédérale de la Santé Rona Ambrose de mettre fin au programme d'accès à l'héroïne médicale. Cette décision sera contestée en vertu de la Constitution, et la cause se retrouvera devant les tribunaux, probablement au printemps 2016. On tentera de démontrer que la disposition du gouvernement fédéral enfreint l'article 7 de la Charte canadienne des droits et liberté en faisant valoirle droit constitutionnel des usagers à recevoir de l'héroïne thérapeutique.

Depuis plus d’un an, des médecins de Providence Healthcare, organisation impliquée dans le projet NAOMI et son successeur SALOME, se battent pour continuer à prescrire de l’héroïne médicale.  En mai 2013, ils obtenu une injonction leur permettant de dispenser de la diacétylmorphine aux 120 des 202 des participants de SALOME qui souhaitaient continuer à recevoir des soins médicaux. Mais en octobre 2013, la ministre Ambrose a mis fin à l’exemption du gouvernement fédéral.

À la suite de l'injonction obtenue  en novembre dernier, la clinique Crosstown, gérée par Providence Healthcare et située dans le quartier Downtown Eastside de Vancouver, a  reçu un premier lot d’héroïne médicale fabriquée dans un laboratoire en Suisse.

Dans une entrevue, le Dr Scott MacDonald, directeur de la clinique, explique que «le fait d’ingérer de l’héroïne illicite dans une ruelle, quatre fois par jour, est très risqué… Ça détruit des vies. [L’héroïne thérapeutique] est une alternative.» Il ajoute que parmi les usagers qui ont participé aux essais cliniques NAOMI et SALOME, plusieurs ont renoué avec leur famille et ramené une stabilité dans leur vie. «Je crois que tous les cliniciens ici ont vu l'effet positif du traitement chez ces personnes difficiles à joindre et qui ont consommé des drogues de rue pendant 15, 20, 25 ou  même 30 ans».

CBC-TV a d'ailleurs réalisé une entrevue avec un usager de longue date.  «Personne ne se réveille un jour en espérant que la consommation et la recherche d'héroïne monopolisent leur vie», dit-il.  L'usager fait ressortir les bienfaits de la diacétylmorphine chez les personnes ayant une dépendance chronique  et le pragmatisme qui sous-tend  l'approche de réduction des méfaits. Enfin, il déplore les préjugés tenaces à l'endroit de l'héroïne thérapeutique, «pourtant très semblable à l'hydromorphine administrée à l'hôpital». 

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